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Victor Bockris interviewé par son traducteur Phili...

Victor Bockris interviewé par son traducteur Philippe Aronson

Victor Bockris © D.R.

Victor Bockris apparaît à l’écran via Skype : nœud papillon rouge, bretelles noires sur chemise blanche, chevelure grisonnante mais fournie, œil pétillant. Il est dans son bureau de Gainesville, en Floride, où il passe désormais une partie de l’année (quand il n’est pas à New York), et a très envie d’évoquer Andy Warhol, l’homme et l’artiste auquel il consacre une biographie majeure – « cinq ans de labeur », selon ses mots.

 

Qui était Andy Warhol ?
Andy était un artiste d’une profonde originalité. On ne rencontre de tels talents que tous les cinq cents ans environ, avec de la chance. Il est né un an avant la Grande Dépression, en 1928. Le jour de ses dix-sept ans, les Américains lâchent la bombe atomique sur Hiroshima. Sa vie a toujours été liée à l’actualité mondiale.

Comment as-tu réussi à interviewer des personnalités aussi fulgurantes que Lou Reed, Keith Richards, Andy Warhol et William Burroughs, et faire en sorte qu’ils se sentent à l’aise avec toi malgré ton attirail de magnétophones, carnets, stylos, appareils photos, etc. ?
La plupart de ces gens avaient l’habitude d’être interviewés tout le temps. Et le plus souvent, les gens qui mènent des interviews ne s’intéressent pas le moins du monde aux personnes en face d’eux. Ils arrivent avec des questions préparées à l’avance ; ils les posent, en tirant la tronche. Ils ne connaissent pas leur sujet. Quand moi j’interviewais ces personnalités, au bout de quelques minutes ils se rendaient compte que je les connaissais par cœur et que, en plus, j’adorais ce qu’ils faisaient.

As-tu d’autres cordes à ton arc ?
Je prends pas mal de photos. La photographie, c’est un peu mon deuxième amour.

Où sont stockées tes archives ?
La plupart sont dans des bibliothèques universitaires américaines. Je travaille en ce moment à cet archivage, d’ailleurs. J’aime bien me délester, pouvoir me déplacer facilement. Je n’aime pas avoir trop de matos.

Qu’est-ce que tu peux nous dire sur Lou Reed ?
Tu sais, les gens qui écrivent des chansons, ça leur arrive dans le corps comme ça [de la main, Victor indique une force énergétique pénétrant le sommet du crâne], puis ils l’expulsent [la main continue sa descente jusqu’au ventre avant de rejaillir et venir se reposer sur une cuisse], et ça ne leur appartient plus… Quand tu fais partie de la vie de personnes comme lui, tu es lié à plein d’autres inconnus.

Tu travailles sur quoi en ce moment ?
Un livre intitulé Scars. My Life in the New York Underground. Ça parle de ma vie à New York, des années 1970 jusqu’au début des années 1980 et à l’arrivée du sida, qui a mis fin à toute cette scène.

Tu peux nous raconter ta première rencontre avec Warhol ?
Je l’ai interviewé pour la première fois quand il réalisait les portraits de Mao, en 1972. Je m’en souviens très distinctement. C’était dans la Factory où il avait failli mourir assassiné, au 33 Union Square. Il était encore un peu fragile. Il n’était pas encore entièrement remis. Autour de lui, tout le monde s’appliquait à le protéger. Pourtant, c’était en même temps le type le plus fort que j’aie jamais rencontré, littéralement. Il était balèze. Il s’entraînait comme un fou. Il pouvait faire cinquante tractions. Il avait la force physique d’un ouvrier du bâtiment.

 

 


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